Retrouvez ici notre résumé de la conférence historique du 06.03.2025
Le Landeron sort de son bourg. Empreintes architecturales au tournant des 19e et 20e siècle au Landeron
Le patrimoine ne s’arrêtant pas au bourg médiéval, quels sont les bâtiments et infrastructures – pions et règles – qui ont contribué au développement du Landeron aux 19e et 20e siècles. Venez découvrir ce grand « plateau de jeu » !
Présenté par:
Claire Piguet, historienne du patrimoine à l’Office du patrimoine bâti et immatériel du canton de Neuchâtel (OCPI)
Résumé de la conférence
Le Landeron hors du bourg (1850-1950)
Introduction
Mme. Claire Piguet a débuté sa conférence en exprimant sa gratitude envers l'association Le Landeron 700 ans pour l'opportunité de contribuer aux célébrations du 700e anniversaire du Landeron. Elle a souligné que son intervention se concentrerait sur l'histoire de l'architecture et du bâti, un domaine qu'elle affectionne particulièrement.
La conférencière a précisé que son exploration porterait sur la période allant de 1850 à 1950, tout en se permettant certaines digressions temporelles et géographiques. Cette approche visait à illustrer comment Le Landeron a progressivement étendu son influence au-delà des limites de son bourg médiéval, évoluant ainsi vers la ville que nous connaissons aujourd'hui.
Pour rendre cette période historique plus tangible, Mme. Piguet a proposé de la transposer à l'échelle d'une famille, en prenant comme exemple sa propre lignée maternelle. Cette perspective a permis de mettre en lumière les impacts concrets des innovations et des transformations de l'époque sur la vie quotidienne des habitants.
- Son arrière-arrière-grand-mère, Marie, a été témoin de l'arrivée du chemin de fer et du télégraphe, symboles du progrès du 19e siècle.
- Son arrière-grand-mère, Élise, a vu son quotidien se métamorphoser avec l'introduction de l'eau courante, de l'électricité et du chauffage central, des commodités qui ont profondément changé le confort domestique.
- Sa grand-mère, Renée, a fréquenté une école construite dans le style Heimatstil, un courant architectural en vogue à l'époque, et a obtenu son permis de conduire, marquant l'avènement de l'automobile.
- Sa mère, Claudine, a d'abord vécu dans un logement locatif, typique de l'urbanisation croissante, avant de s'installer dans une villa d'après-guerre, reflet des nouvelles aspirations résidentielles.
- Elle-même a grandi dans une société où les loisirs et les voyages se sont démocratisés, témoignant de l'amélioration générale des conditions de vie et de l'ouverture sur le monde.
Mme. Piguet a encouragé l'auditoire à se projeter dans le passé et à imaginer comment leurs propres ancêtres ont vécu les événements et les évolutions marquantes de cette période.
Le Landeron : De l'îlot à l'expansion urbaine
Le bourg du Landeron, établi au cœur d'une plaine marécageuse, a longtemps donné l'impression d'être isolé, une sorte d'îlot coupé du reste du territoire. Son ancienneté, ses qualités architecturales et son charme pittoresque ont captivé l'attention des touristes et des historiens, parfois au détriment de l'étude des zones environnantes.
Mme. Piguet a souligné que l'intérêt pour l'histoire urbaine et architecturale des 19e et 20e siècles est un phénomène relativement récent, qui s'est développé au cours des trente ou quarante dernières années.
La conférencière a proposé d'examiner l'évolution du Landeron hors de son bourg entre 1850 et 1950 à travers différents plans et cartes, en se concentrant sur plusieurs aspects clés :
- L'expansion du tissu bâti, témoignant de la croissance de la localité.
- Les modifications du tracé du rivage et du cours de la Thielle, reflets des interventions humaines sur l'environnement.
- La nature du territoire, avec ses cultures maraîchères dans la plaine, son vignoble sur les coteaux et ses forêts et cultures céréalières sur les hauteurs.
- L'apparition de nouvelles activités économiques et de loisirs, qui ont diversifié le paysage local.
L'ère du progrès : Les communications et les transports
Le 19e siècle a été une période de profonds changements, marquée par d'importantes avancées dans les transports et les communications. En 1858, la ligne de chemin de fer, partie d'Yverdon, atteint Neuchâtel, reliant ainsi le jeune canton au bassin lémanique.
En 1859, les habitants du Landeron accueillent avec enthousiasme les premiers convois à la halte du Frienisberg, qui constituait alors le terminus de la ligne du pied du Jura (1859-1860). Il faut attendre 1860 pour que les compagnies de chemin de fer et les cantons de Berne et de Neuchâtel s'accordent sur le tracé et les modalités de construction du tronçon permettant de rejoindre Bienne.
La halte du Frienisberg est alors vouée à la démolition, mais les autorités communales du Landeron obtiennent la construction d'une véritable gare, témoignant de l'importance de cette infrastructure pour le développement de la localité.
Mme. Piguet a fait une digression temporelle pour évoquer les bouleversements apportés par la construction de l'autoroute, mise en chantier en 1969 et qui relie Saint-Blaise au Landeron en 1975, puis La Neuveville en 1977. Le tracé de l'autoroute suit en partie la ligne ferroviaire, soulignant l'importance de cet axe de communication.
Malgré le dynamisme initial lié à l'arrivée du chemin de fer, le développement des communications au Landeron a connu un certain retard. Bien que la localité dispose d'un bureau de poste depuis la fin des années 1850, elle doit attendre 1874 pour se doter d'un bureau télégraphique et 1897 pour avoir une station téléphonique, soit un retard d'une dizaine d'années sur les villes de Neuchâtel.
Mme. Piguet a suggéré que cette prudence des autorités pourrait refléter des questionnements plus profonds face à ces nouveaux modes de communication et a invité l'auditoire à imaginer les répercussions de ces technologies sur la vie quotidienne de leurs ancêtres :
- Accélération des déplacements et des communications.
- Nouvelle perception de l'espace.
- Dématérialisation des échanges.
La conférencière a souligné que ces thématiques trouvent un écho particulier dans le monde actuel.
La correction des eaux du Jura : Un tournant majeur
Mme. Piguet a souligné que l'espace a également connu de profondes transformations entre 1850 et le milieu du 20e siècle. La correction des eaux du Jura représente l'une des plus grandes opérations d'aménagement fluvial en Suisse, touchant les cantons de Neuchâtel, Berne, Vaud et Fribourg, trois lacs et de nombreux cours d'eau.
L'objectif principal de ces travaux était de réguler l'hydrologie de la région, de réduire les inondations et de rendre les zones marécageuses cultivables en les asséchant. Sous la direction de l'ingénieur Richard La Nicca, la première campagne de travaux est réalisée entre 1868 et 1886, avec la création de quatre canaux (Thielle, Broye, Hagneck et Nidau-Büren) et l'abaissement du niveau des lacs de plus de deux mètres.
Les localités limitrophes, dont Le Landeron, ont largement bénéficié de ces travaux :
- Gain de terrain en bordure du lac, au détriment parfois des anciennes infrastructures portuaires devenues inutilisables.
- Conversion de larges zones de marais en terres cultivables ou en espaces pour accueillir des infrastructures à éloigner des zones habitées, comme le stand de tir inauguré en 1882.
- Facilitation de la navigation des bateaux à vapeur grâce au nouveau tracé du canal, mais nécessité pour les autorités d'adapter leur réseau de ponts et de routes.
Mme. Piguet a précisé que l'exondation des rives a également permis d'accéder aux sites palafittiques, entraînant de nombreuses découvertes archéologiques.
La traversée de la Thielle a toujours représenté un défi, que ce soit par des bacs ou des passerelles. La construction de l'ancien pont en bois de Saint-Jean date des travaux postérieurs à la correction des eaux du Jura, même s'il présente un aspect très traditionnel (avant 1885).
Mme. Piguet a utilisé le pont de Saint-Jean comme transition vers la seconde correction des eaux du Jura, entreprise entre 1962 et 1973 pour réduire encore les variations du niveau des trois lacs. Le niveau des hautes eaux est abaissé d'environ un mètre supplémentaire pour tenir compte de l'affaissement des terres, tandis que celui d'étiage (basses eaux) est relevé pour améliorer la navigation fluviale. Le pont de Saint-Jean, devenu obsolète, est remplacé par une imposante structure en béton en 1968-1969.
La conférencière a fait une nouvelle digression pour rappeler que ces travaux ont également permis de convertir les rives du lac de Bienne en zone de tourisme et de loisirs, la plus grande du canton, avec l'ouverture du camping (1957 et 1973), la création de nombreuses places d'amarrage dans le nouveau port de petite batellerie (1969-1970) et l'aménagement de la piscine (1969-1970, inaugurée en 1971).
Activités économiques
Mme. Piguet a rappelé que le territoire du Landeron était principalement constitué d'une plaine maraîchère, d'un vignoble en coteau et de forêts. La vigne et le vin ont longtemps été des composantes essentielles de l'économie locale, représentant un dixième du vignoble cantonal, mais leur importance a diminué au 20e siècle en raison de l'épidémie de phylloxéra, de la mécanisation du travail, des remaniements fonciers et de l'expansion des constructions. Cette importance passée explique le nombre de caves et pressoirs que l'on retrouve dans les constructions anciennes.
La pratique de la culture maraîchère et de la pêche a laissé peu de traces matérielles, leurs fragiles aménagements n'ayant pas résisté aux différentes corrections des eaux du Jura.
Mme. Piguet a souligné que l'économie du Landeron n'était pas uniquement tournée vers le secteur primaire. Jusqu'à la fin du 19e siècle, le tissu industriel comprenait quelques petites entreprises (cadrans, cartonnage, caissettes, enveloppes, etc.), des ateliers, ainsi que des scieries et des moulins dont on trouve les vestiges le long des petits cours d'eau. Les infrastructures nécessaires au commerce fluvial ont pour la plupart disparu au profit des aménagements destinés au tourisme et aux loisirs.
Attirer l'horlogerie : L'usine de village pour limiter l'exode rural
Les années 1850-1900 ont été celles d'un grand chambardement. Dans l'Arc jurassien, l'horlogerie cesse d'être un simple complément à l'agriculture pour devenir une activité économique à part entière. Avec la concentration de la production horlogère en fabrique, les centres industriels, comme La Chaux-de-Fonds, Le Locle, Neuchâtel ou Bienne, deviennent des pôles d'attraction de plus en plus difficiles à concurrencer pour les localités rurales.
Afin de garder leur population et de conserver des emplois, certaines localités, dont Le Landeron, cherchent à attirer les fabricants d'horlogerie en leur offrant de bonnes infrastructures, un accès à une force motrice et des aides financières à la construction de locaux industriels ou de logement.
Mme. Piguet a choisi de se pencher sur deux entreprises relevées par l'historien Edouard Quartier-la-Tente en 1901, des établissements un peu oubliés depuis lors : la fabrique d'ébauches Hahn Frères et la fabrique de pierres fines Tanner.
L'histoire a souvent tendance à oublier les entreprises dont la marque n'a pas perduré jusqu'à nous. En dehors des Landeronais et de quelques passionnés d'horlogerie, peu de personnes se souviennent que le bâtiment de la fabrique d'ébauches Hahn a abrité l'un des fleurons de l'horlogerie neuchâteloise. Vendue à Ebauches S.A. en 1927 et fermée en 1984, le souvenir de l'entreprise s'est perdu dans l'histoire générale de la branche. Mme. Piguet a souligné que son histoire mériterait davantage d'attention.
On ne connaît pas les raisons exactes qui ont poussé Aimé-Auguste et Charles-Alfred Hahn, deux fabricants d'horlogerie, à transférer leur fabrique d'ébauches de La Chaux-de-Fonds au Landeron au début des années 1870. On peut imaginer qu'ils y bénéficiaient d'une meilleure situation géographique (entre Neuchâtel et Bienne), de solides infrastructures de transport (pour l'approvisionnement en matière première et l'expédition des produits finis), d'une main-d'œuvre encore peu sollicitée par l'industrie et, ayant choisi de fonctionner à la vapeur, qu'ils n'étaient pas tributaires de la force hydraulique d'un cours d'eau. Mme Piguet suggère également qu'ils ont peut-être rencontré moins de résistance à la fabrication mécanisée que dans les Montagnes neuchâteloises.
Au début des années 1870, le modèle de l'usine horlogère est encore une exception dans l'Arc jurassien, ce que démontre la farouche résistance du monde horloger à l'introduction de la Loi fédérale sur les fabriques. Pour calmer la fronde, le Conseil fédéral adopte une classification des entreprises horlogères en trois catégories (comptoir, atelier et fabrique), permettant de fait à la majorité des établissements d'échapper à la loi. Hahn Frères et Cie, fabricants d'ébauches au Landeron, figure parmi les sept rares entreprises soumises à cette loi, ce qui indique que l'entreprise a réussi son ambitieux pari quatre ans après ses débuts.
Mme. Piguet a souligné que le projet des frères Hahn était extrêmement innovant pour l'époque. Il ne se limitait pas à la création d'un simple atelier, mais prévoyait la construction d'une fabrique « à l'américaine ». Il s'agissait de regrouper la plupart des étapes de production en un seul lieu et de mécaniser au maximum la fabrication des pièces, en utilisant une machine à vapeur (dès 1873) pour actionner les machines-outils. Les ouvriers ne travaillent donc plus à la maison, mais doivent se rendre à l'usine, marquant ainsi la fin de l'imbrication des mondes domestique et professionnel sous un même toit.
Mme. Piguet a déploré la disparition de la plupart des composantes de l'entreprise (machines et outillage, savoir-faire et brevets, main-d'œuvre, etc.), ne laissant subsister que quelques calibres chez des collectionneurs et des bâtiments.
La conférencière a indiqué qu'un exercice similaire pourrait être mené pour la fabrique de pierres fines Tanner, installée au Landeron en 1901.
Logements : Reflet des transformations sociales
Mme. Piguet a expliqué que dans l'Arc jurassien, l'émergence d'un habitat patronal et ouvrier bien différencié a pris du temps. Les premières générations d'industriels résident dans des conditions proches de celles de leurs collaborateurs, et ce n'est qu'à partir de la fin du 19e siècle que les immeubles de rapport, les maisons ouvrières et les villas patronales servent petit à petit de marqueur social.
La famille Hahn ne déroge pas à cette règle dans un premier temps. Aimé-Auguste garde toutes ses attaches à La Chaux-de-Fonds, tandis que Charles-Alfred Hahn et sa famille s'installent au Landeron.
En revanche, Gottlieb dit Théophile Tanner, fait édifier une somptueuse villa patronale juste après la mise en route de sa fabrique (1903-1904). La villa est un bel exemple de Heimatstil, une architecture qui se veut à la fois moderne et ancrée dans une tradition régionale, ce qui plaisait aux patrons horlogers. Ce style se caractérise par :
- Une modernité dans les matériaux de construction, l'organisation des locaux et l'équipement (électricité, sanitaire, chauffage central, etc.).
- Une enveloppe extérieure qui renvoie à une tradition régionale, avec des toits à croupes, des faux-colombages, d'amples toitures et des matériaux locaux apparents.
Du côté de la famille Hahn, il faut attendre 1920, et la troisième génération, pour voir l'édification d'une villa qui réponde aux codes du genre : implantation à proximité de la fabrique, mais dans un écrin de verdure, dimensions généreuses, aspect de manoir et confort contemporain.
En 1901, l'historien Edouard Quartier-la-Tente indique que la fabrique d'ébauches Hahn compte 160 ouvriers et son homologue de pierres fines 150 ouvriers. Mme. Piguet s'est interrogée sur la manière dont ces ouvriers étaient logés.
Théophile Tanner, bien qu'il ait été un important mécène pour la localité, n'a fait construire aucun logement ouvrier. De son côté, la famille Hahn a renoncé à l'édification de maisonnettes individuelles, mais a fait construire quelques immeubles d'habitation : route de la Neuveville 3 (1873-1874), Bellerive 4-6-8 (1891) et route de Bâle 3 (1898).
La comparaison de l'habitat patronal et ouvrier révèle des différences flagrantes. Même si l'objectif était d'attirer ou de fidéliser les ouvriers en leur proposant des logements fonctionnels et abordables, la taille des appartements et leurs équipements restaient modestes. L'architecture extérieure de ces immeubles suivait les tendances du moment, mais tout était réalisé avec une grande sobriété et une économie de moyens.
Mme. Piguet a soulevé plusieurs questions en suspens : quels étaient les occupants de ces logements ? Comment étaient-ils attribués ? Dans quelles conditions et à quelle distance résidait le reste du personnel ?
La conférencière a rappelé que l'opposition entre habitat patronal et ouvrier ne doit pas occulter la diversité des constructions de standing intermédiaire destinées aux chefs d'ateliers, aux employés administratifs et commerciaux.
Infrastructures et services
Mme. Piguet a souligné que pour attirer des entreprises performantes, il est essentiel de proposer de bonnes infrastructures. Outre le chemin de fer, le télégraphe et le téléphone, elle a évoqué l'eau courante et l'électricité.
L'approvisionnement des ménages en eau courante ne date que du dernier quart du 19e siècle. Auparavant, l'eau était disponible en abondance aux fontaines, grâce à la captation d'une source.
Le Landeron s'est également doté d'un réseau de distribution d'électricité, avec notamment la construction d'un transformateur électrique en 1919-1920.
Les premières écoles ont été construites hors du bourg, témoignant de l'expansion de la localité. Mme. Piguet a cité le collège, construit entre 1895 et 1897, comme exemple d'infrastructure scolaire importante.
La présence de différentes confessions religieuses a également façonné le paysage architectural, avec la construction d'églises et de chapelles. Mme Piguet a notamment mentionné l'église catholique, construite entre 1826 et 1832, et son cure, édifié en 1895-1896.
Conclusion
La conférence de Mme. Piguet a permis de mettre en lumière les profondes transformations qu'a connues Le Landeron entre 1850 et 1950. La localité a su s'adapter aux mutations économiques, sociales et technologiques de cette période, en développant de nouvelles infrastructures, en attirant l'industrie horlogère et en construisant de nouveaux quartiers. Cette évolution a façonné le visage du Landeron d'aujourd'hui, en le faisant passer d'un bourg insulaire à une ville moderne et dynamique.
Podcast IA
Ce podcast a été généré par plusieurs intelligences artificielles (NotebookLM et ElevenLabs), lui donnant un trait d'humour (l'accent canadien est superbe), mais reflétant bien les éléments historiques de la conférence. Le contenu n'engage pas la conférencière.